1945
Lee Miller et David Sherman arrivent à Dachau à un moment clef de l’histoire. Le camp est en train d’être libéré.
Pour elle c’était une obligation morale absolue que de révéler ce qu’elle voyait.
Je t’implore de me croire, je n’ai pas l’habitude de photographier des atrocités mais crois bien que chaque ville et chaque région en regorge.
J’espère que ‘’Vogue’’ sera prêt à publier ces photos.
Télégramme de Lee à Audrey Withers *
Lee n’est restée que quelques heures à Dachau, ensuite elle s’est rendue dans l’appartement d’Hitler [ à Munich ]. Elle dit :
J’avais l’adresse d’Hitler dans ma poche depuis des années. C’était enfin l’occasion de l’utiliser. Mais mon hôte n’était pas chez lui.
David Sherman ajoute :
« On s’est retrouvés chez Hitler sur la Prinzregentenplatz. Quelques G.I. avaient investi les lieux et y vivaient. C’est là qu’on a photographié des G.I. en train de lire « Mein Kampf » les pieds sur le lit d’Hitler et la tête sur son oreiller.
Lee ajoute :
J’ai pris des photos mais j’ai aussi dormi dans le lit d’Hitler. Je me suis même lavé de la crasse de Dachau là-bas.
Photo : LeeMiller & David E. Scherman © Lee Miller Archives
La photo de Lee Miller dans la baignoire d’Hitler a fait le tour du monde. (…)
Au départ elle voulait juste prendre un bain et puis ils ont pris conscience du contexte et ensemble ils en ont fait un symbole qui est entré dans l’histoire. »
Antony Penrose, fils et biographe de Lee Miller :
Ils ont posé sur le rebord un portrait officiel d’Hitler par Heinrich Hoffmann, son photographe personnel.
Mais l’élément clef de la photo ce sont les bottes.
Lee les avait portées le matin même à Dachau et à présent, elles répandaient la crasse de ce lieu sur le tapis de bain bien propret d’Hitler.
Bien sûr à ce moment précis ils ignoraient tous les deux que ce même après-midi, à l’autre bout du pays, Hitler et Eva Braun s’étaient suicidés.
Avec cette photo ils ont réussi à boucler la boucle en quelque sorte de la façon la plus provocatrice possible, en souillant le tapis de bain d’Hitler.
* Audrey Withers et Vogue Amérique ont accepté de publier son travail. C’est certainement le reportage le plus difficile et le plus explicite que le magazine Vogue ait jamais publié
Textes transcrits d'après l'émission d'Arte : Lee Miller : Mannequin et photographe de guerre