Extrait 1 - Introduction

"La découverte de ces clichés s'est accompagnée d'un enjeu financier et juridique évident.

Conjectures et accusations sont vite venues ternir ce qui, au départ, était une pure célébration. Le débat qui s'est installé dans les medias se résumait en ces termes : les deux hommes ayant acquis la totalité du matériau photographique avaient-ils le droit, la légitimité, l'expérience pour gérer ces archives ? Et Vivian aurait-elle souhaité partager son travail avec le public ? D'innombrables historiens, journalistes, critiques, ont abondamment diffamé John Maloof et Jeffrey Goldstein dans la presse, les accusant d'exploiter Vivian à des fins financières. Ces controverses sont examinées dans l'annexe A, qui montre que la quasi-totalité des calomnies était mensongères ou infondées. Il y a en réalité comme un écho réjouissant au fait que deux amateurs qui fréquentaient les ventes de garde-meuble aient acheté et inventorié l'archive de Vivian.

Avec intelligence, créativité, passion, Vivian a développé un énorme travail photographique, extrêmement touchant, qui reflète l'universalité de la condition humaine. Aujourd'hui, on continue de présenter à son sujet des expositions et des conférences partout dans le monde et les musées ont commencé à acquérir ses œuvres. Son nom a été associé à celui de grands maîtres de la street photography - Berenice Abbott, Lisette Model et Robert Franck- mais les experts n'ont pas encore tranché et reste à savoir où ils placeront Vivian Maier parmi les canons de l'histoire de la photographie.

La probabilité de voir un jour surgir l'ensemble du travail exceptionnel de Vivian était infinitésimale,

étant donné l'invraisemblable chaîne d'évènements qui a mené à son sauvetage, puis à sa dissémination. Il suffisait qu'une seule de ces étapes ne se produise pas pour que les photographies disparaissent à jamais, toutes certainement destinées à la décharge. Il a fallu d'abord que cette photographe ait un talent singulier et qu'elle sauvegarde la totalité de sa production. Qu'à cause de contraintes financières ou autres, elle cesse de payer les garde-meubles où étaient stockées ses archives. Qu'un commissaire-priseur achète ces box non triés en imaginant qu'il renfermaient des objets susceptibles d'avoir de la valeur. Il a fallu que John Maloof soit libre, qu'il ne soit ni étudiant, ni employé, qu'il se prépare à écrire un livre, pour lequel il avait besoin de photos de la même époque où travaillait Vivian. Qu'il parcoure les quelques mètres qui le séparaient de la maison de ventes toute proche de chez lui pile au moment où se négociaient les négatifs, qu'il participe aux enchères.

Il a fallu que les autres acquéreurs gardent leur trouvaille, qu'ils acceptent de la céder à John Maloof et Jeffrey Goldstein lorsque ceux-ci les ont contactés. Que ces deux hommes, des entrepreneurs audacieux, aient la volonté et la capacité d'investir et d'organiser cette archive d'une photographe inconnue. Il a fallu qu'ils aient assez de savoir-faire pour s'associer à des professionnels et pour adopter les méthodologies qui conviennent afin d'organiser, développer, exposer et promouvoir le travail de Vivian. Et, plus important peut-être, il a fallu qu'ils aient le réflexe de partager ces images en ligne.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 15 & 16

Le site officiel de Vivian Maier

Extrait 2

Il est bien entendu impossible de connaître en détail l'affection dont souffrait Marie [la mère de Vivian Maier],

mais le Dr Mahoney observe que ses actes évoquent fortement les symptômes d'une névrose narcissique : égocentrisme, désir d'attirer l'attention, exigences, manque d'empathie, arrogance et exploitation. Il s'agit d'une maladie grave, déclenchée par une conscience de soi si dégradée que le narcissisme se développe comme une forme de protection. Dans ses conférences, la psychiatre explique que "l'hypocondrie est fréquente chez les narcissiques, qui emploient, en vue d'obtenir de l'attention, des moyens externes, liés à la santé physique, pour rechercher une validation interne". Quel que soit le diagnostic, le comportement de Marie entraîne inévitablement, sur ses enfants, des séquelles émotionnelles.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 53

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Extrait 8
A la fin des années 1960, un ensemble de circonstances convergentes finit par mettre en évidence le problème d'accumulation dont souffre Vivian lequel commence à devenir handicapant.

Le psychanalyste Robert Raymond explique qu'une enfance de ruptures et de revers comme celle qu'elle a vécue peut engendrer des problèmes d'identité et de manque d'estime de soi, auxquels l'accumulation d'objets apporte une réponse, offrant un sentiment de contrôle bien nécessaire. Les enfants concernés développent communément des problèmes de confiance et d'intimité et peuvent préférer s'attacher à des biens plutôt qu'à des personnes, pour remplir ce vide émotionnel. Peu importe que Vivian ait grandi dans la pauvreté, le syndrome d'accumulation ne résulte pas de manques matériels, mais de privations émotionnelles. Les possessions, c'est le confort, les acquérir fait partie du plaisir. La propriété peut être ressentie comme une extension de l'identité ; d'ailleurs, les boutiques d'antiquités, les marchés aux puces, les décharges sont des lieux que Vivian apprécie tout particulièrement.

Le Dr Randy Frost, expert en troubles de l'accumulation, explique que "les personnes qui en souffrent peuvent être extrêmement intelligentes, certaines sont si créatives visuellement qu'elles peuvent voir et apprécier les caractéristiques des objets que les autres négligent, peut-être à cause de l'intérêt spécifique qu'elles accordent aux qualités visuelles et spatiales.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 202

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Extrait 3

Non loin de chez Vivian, dans un appartement tout en enfilade, vit une famille de trois sœurs. Sophie Randazzo, l'aînée, rencontre Vivian dans le quartier un jour de 1951. Elles deviennent très vite amies, mais selon les modalités de Vivian : c'est elle qui passe leur rendre visite et toujours à l'improviste. La plus jeune des sœurs, Anna Randazzo, aujourd'hui âgée de plus de quatre-vingts ans et qui vit dans le Queens, est la seule personne ayant vécu à New York en même temps que Vivian que l'on ait pu retrouver. Soixante ans plus tard, Anna a su fournir une description détaillée de sa vieille amie, se souvenant qu'elle était masculine et froide, bien charpentée et très assurée, qu'elle portait des chaussures d'homme à talons plats et n'arborait ni bijou, ni maquillage. Sa tenue habituelle consistait en un "tailleur en tweed marron très comme il faut", dont Vivian "tirait la jupe pour être certaine que ses genoux soient couverts". L'été, ses robes de coton légères étaient plus flatteuses, mais elle portait presque toujours un chapeau, même à l'intérieur.

Anna n'a jamais su son nom de famille.

Elle se souvient que sa mère a voulu accueillir Vivian en la serrant dans ses bras, mais celle-ci s'est écartée, répliquant sèchement : "Nous n'embrassons pas", avant de lui tendre la main. La famille a été marquée par son usage du "nous" de majesté et par son dégoût du contact physique. Certes, Vivian était bavarde, elle aimait passer du temps à échanger des cancans avec les filles, mais elle révélait peu de choses de son passé, laissant simplement entendre qu'elle était née en France et se trouvait seule au monde. A en croire Anna, "elle était un peu étrange, mais agréable et polie - à moins que l'on sorte une chose à ne pas dire, auquel cas elle vous sautait directement à la gorge".

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 82

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Extrait 9

Les personnes qui ont croisé sa route notent invariablement son air glacial et son attitude revêche. Une connaissance explique qu'elle ne "communique pas avec son visage". Sa contenance reflète une apparente absence d'émotions, soit par capacité limitée à en éprouver, soit par refus de les exprimer ; certains la jugent brusque et hautaine, ce qui n'est pas sans rappeler les stéréotypes parfois associés aux Français. Lorsqu'on lui pose des questions qui lui déplaisent, elle n'hésite pas à répondre : "Cela ne vous regarde pas." Malgré un abord général décrit comme intimidant et imposant, elle s'exprime avec douceur et n'élève quasiment jamais la voix. Sa façon de parler, teintée d'un léger accent, est agréable et claire ; elle a pour habitude de ponctuer ses interventions d'exclamations en français telles que "Sacré-Cœur", "oh là là" ou "voilà".
[...]

Sa volonté de ne pas dévoiler son passé régit la plupart de ses échanges avec les autres, avec qui elle se montre froide et réservée

[...]
Compte tenu des circonstances, son goût du secret concernant son passé apparaît comme tout à fait rationnel et sensé. Durant toute son enfance, il a pesé autour de son identité, à l'instar de sa mère et de sa grand-mère, qui ont falsifié à peu près tous les formulaires qu'elles ont remplis. Formée dès son plus jeune âge à la dissimulation, elle en vient à la conclusion que personne n'a envie de savoir qu'elle a eu une mère instable et narcissique, un père violent et alcoolique et un frère drogué et schizophrène.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 155

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Extrait 4

En mars 1967, Vivian prend un poste de gouvernante auprès d'une petite fille de cinq ans, Inger Raymond, avec qui elle passera les sept années suivantes à Wilmette, dans l'Illinois.../...

Vivian a soif d'enseigner, Inger a soif d'apprendre. Adulte, Inger garde un souvenir plein d'affection de sa nanny, et notamment de la camaraderie qu'elles partageaient; elle a le sentiment que les intentions de "Miss Maier" étaient bonnes. Néanmoins, elle reconnaît chez elle l'existence d'un côté sombre et, comme sa meilleure amie, Ginger Tam, donne la description d'un personnage bien différent de celui qui a veillé sur les Gensburg. [Famille du précédent emploi de Vivian] .../...

Paradoxalement, elle n'autorise quasiment personne à la prendre en photo, répondant à chaque tentative par de vigoureuses protestations.

Lorsqu'un des photographes de Mme Raymond la saisit à la volée pour le journal Wilmette Life, elle s'y oppose avec tant de force que le cliché ne paraît finalement jamais. le frère de Ginger a même vu Vivian chasser à coups de parapluie un homme armé d'un appareil qui semblait vouloir lui tirer le portrait. Peut-être craint-elle qu'une photo publiée permette à sa famille de retrouver sa trace. Autre hypothèse, elle contrôle si soigneusement son identité qu'elle refuse de laisser son image à d'autres mains que les siennes.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 192

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Extrait 10

Pourquoi les photographies et les journaux ?

Le Dr Frost remarque que Vivian a pu succomber à l'attrait de la collection de journaux à cause de sa sensibilité esthétique aigüe, en particulier son goût pour les motifs, les formes, les textures. D'une certaine manière, la source même de son talent, sa capacité à voir tant de choses dans la banalité du quotidien, à contribué à son besoin d'accumuler. Dans son œuvre, l'accent est mis sur les éléments graphiques, depuis le bocage des terres cultivées en France jusqu'aux matériaux enchevêtrés qui jonchent les chantiers de construction. Son extraordinaire acuité visuelle lui permet de sublimr la banalité pour en faire des images d'une grande beauté géométrique, qu'il s'agisse de corbeilles en maille métallique, de ressorts de matelas ou de piles de cartons chancelantes. Elizabeth Avedon, spécialiste de la photographie et auteur de Vivian Maier, Self-portraits, estime que Vivian a un don inné, celui "d'identifier des motifs, d'arranger et composer l'espace, de distribuer avec éloquence la lumière et le geste au sein du cadre". La sensibilité visuelle de Vivian ainsi que sa quête de savoir font de l'accumulation des journaux - objets si satisfaisants pour un tarif si raisonnable - un choix évident. [...]
Chaque année, Vivian collecte davantage de journaux, produit davantage de photographies et, dès qu'elle manque d'espace, loue de nouveaux garde-meubles. C'est pour elle un impératif, qu'elle puisse se le permettre ou non.

Elle sait qu'elle a du talent, elle aime son travail et, de temps à autre, caresse l'idée de relancer sa carrière, mais voilà, le partage de ses photos lui est devenu impossible.

La forme sous laquelle elle conserve ses images n'a pour elle aucune importance : tirages, négatifs, pellicules non développées sont juste différentes manières d'atteindre le même objectif. Si elle a les moyens financiers pour développer ses pellicules, encore faudrait-il qu'elle souhaite le faire et, finalement, son besoin de posséder est plus fort que celui de voir ses images.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 207

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Extrait 5

Ginger, qui est un témoin à distance de cette situation, se rend compte que quelque chose ne va pas chez Vivian.

Elle voit en la gouvernante une manipulatrice qui a tendance à profiter de la bonne nature d'Inger et de son manque d'estime de soi. A posteriori, elle juge que Vivian a pu faire plus de mal que de bien à son amie. Inger était, elle le reconnaît elle-même, une exclue, et la présence constante à son côté de cette femme imposante, peau grasse et jambes poilues, qui ne mâche pas ses mots, est loin d'améliorer sa position sociale. A la plage, lorsque Vivian dépose sur la tête de sa protégée un immense chapeau et lui tartine le nez de zinc, Inger apparaît plus décalée que jamais.
Les filles observent également les réactions anormales de Vivian vis-à-vis des hommes. En plusieurs occasions, elle avertit Inger qu'ils ne pensent qu'au sexe et "finiront par (la) ruiner". La gouvernante évite d'ailleurs tout contact avec M. Raymond et il lui arrive même, lorsque celui-ci lui tend des objets, de lui demander de les poser au préalable afin que leurs mains ne se touchent pas.
Un jour, un photographe employé par Mme Raymond tente de rattraper Vivian pour l'empêcher de tomber d'une souche d'arbre. Elle se tourne et "le met à terre". Commotionné, il devra être dissuadé de porter plainte. Ses employeurs suivants confirmeront sa peur flagrante des hommes, suggérant qu'elle a pu souffrir d'une forme d'agression durant son enfance. Elle donne l'impression d'être en proie à une sorte de syndrome de stress post-traumatique en lien avec des hommes potentiellement menaçants.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 195

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Extrait 11

Comme tout le monde, Vivian était déterminée par son patrimoine génétique, son enfance, les rebondissements que réserve la vie en matière de rencontres, de relations, de décisions dues au hasard. Incontestablement, ses origines familiales ne lui ont pas porté chance. Comme on l'a vu, sa destinée est profondément marquée par les agissements de son grand-père Nicolas Baille, qui, le 11 mai 1897, en rejetant Eugénie et Marie, initie trois générations de dysfonctionnements familiaux. Si Vivian a souffert durablement du traumatisme qu'elle a connu enfant et du syndrome d'accumulation qui en a découlé, elle doit à elle seule son talent et son sens de l'humanité.

Le plus tragique, en définitive, est que ses problèmes relationnels aient empêché les autres de découvrir son véritable génie, et elle, de le partager.

En dépit d'obstacles considérables, Vivian a réuni la force et le courage nécessaires pour dépasser les difficultés liées à son enfance et se forger une vie indépendante. Ayant besoin, comme tout un chacun, d'être aimée et acceptée, elle a utilisé la photographie pour exprimer ses émotions et est parvenue à composer des photos empreintes d'humanité, d'humour, de beauté. Sa pratique de l'autoportrait lui permettant de transmettre des sentiments personnels en temps réel et d'asseoir sa présence. Nous comprenons désormais que les qualités, qui apparaissent de façon si évidente dans son travail, étaient inhérentes à sa personnalité, réconciliant ainsi les termes contradictoires utilisés pour la décrire.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 276

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Extrait 6

Un des aspects de la personnalité de Vivian particulièrement difficile à saisir est sa propension à l'empathie.

La plupart des enfants qu'elle a gardés ont souligné son profond manque d'affect, notamment dans les commentaires dépourvus de tact qu'elle pouvait faire concernant leur apparence, y compris au moment tant redouté de la puberté. Pourtant, nombre de ses admirateurs trouvent son travail empreint de sensibilité et de compassion, une impression qui tient peut-être en partie au choix qu'elle a fait de s'intéresser même aux plus démunis, aux sans-voix. En réalité, lorsqu'il s'agit de faire preuve d'exactitude, d'authenticité, la plupart de ses clichés sont sans compromis, sans compassion. L'amie de Lane Gensburg, Duffy levant, raconte la fois où son frère a été renversé par une voiture. Il est allongé sur la chaussée, effrayé, mais pas gravement blessé. Tout le monde se précipite pour l'aider, sauf Vivian, qui prend place sur le bas-côté et se met à mitrailler.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 197 et 198

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Extrait 12

Selon le Donna Mahoney, Vivian a pu souffrir d'autres pathologies , surtout quand on pense aux maladies mentales présentes dans sa famille. Son frère a été définitivement diagnostiqué schizophrène et il est presque certain que sa mère a un passif de maladie mentale. Beaucoup estiment que son grand-père, Nicolas baille, relevait également de la psychiatrie, au vu de son comportement asocial et de son extrême paranoïa. On peut en conclure que Vivian a des antécédents familiaux et qu'elle est aussi certainement vulnérable aux troubles mentaux.

Après un examen approfondi des documents liés à la photographe et à sa famille, le Dr Mahoney émet l'hypothèse que, outre son syndrome d'accumulation, Vivian a pu souffrir d'un trouble de la personnalité.

Même s'il est toujours périlleux d'établir des diagnostics posthumes, son comportement évoque un cas classique de trouble schizoïde, répandu dans les familles avec une histoire de schizophrénie, bien que les deux pathologies soient différentes. Le trouble schizoïde provoque une rupture avec les gens, quand la schizophrénie entrîne une rupture avec la réalité.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 208

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Extrait 7

Un traumatisme n'est pas nécessairement issu d'un seul et unique évènement, une enfance peut-être considérée comme traumatisante lorsque la violence se produit sur une longue période de temps. Parmi les éléments déclencheurs, on peut citer les perturbations au sein du foyer, le divorce, l'abandon, la négligence affective ou physique, l'abus d'alcool ou de drogue par les parents, la violence. Vivian n'a pas été confrontée à l'un de ces facteurs, ni même à plusieurs ; elle les a tous subis. .../...

Les comportements narcissiques, inappropriés, fantasques de Marie [mère de Vivian], dont nous avons plusieurs confirmations, sont clairement à l'origine des problèmes émotionnels et identitaires chez ses enfants.

Les violences physiques et sexuelles peuvent contribuer au traumatisme. Le comportement de Vivian suggère qu'elle a pu subir ce type d'agressions. Toutes celles et tous ceux qui l'ont connue, ou presque, en sont persuadés, en considérant sa terreur des hommes et ses réactions viscérales, qui ressemblent à des manifestations de stress post-traumatique, son aversion pour les contacts physiques, l'apparence androgyne derrière laquelle elle semble se camoufler, ainsi que les étranges avertissements prodigués aux enfants qu'elle garde. Elle dissuade les filles de s'asseoir sur les genoux des messieurs, souligne que la totalité des crimes sexuels et de la violence est l'œuvre des hommes.  Le Dr Mahoney et plusieurs autres experts de santé mentale consultés à ce sujet confirme que le comportement de Vivian est cohérent avec celui de quelqu'un ayant subi des abus sexuels et physiques. S'ils ont véritablement eu lieu, ils ont pu se produire à peu près n'importe quand, n'importe où, tant l'enfance de Vivian reste un mystère. Elle a eu un père violent, elle a vécu sous le même toit que l'amant abusif de sa grand-tante. La manifestation la plus évidente des tourments qu'a pu connaître Vivian enfant se retrouve dans son indéniable problème d'accumulation.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 201 et 202

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Extrait 13

La dichotomie entre la froideur dont fait preuve Vivian Maier et l'incroyable humanité présente dans ses photographies s'explique désormais. La photographie lui sert d'exutoire pour exprimer ses convictions, ses sentiments et sa profonde compréhension de la condition humaine.

Il en résulte un kaléidoscope composé de vérités universelles et de toute une palette d'émotions. Le lexique photographique de Vivian découle de nombre d'influences, mais à l'évidence une bonne partie de ses thèmes de prédilection est inspirée par son expérience d'enfant. Les femmes agées y font ainsi de fréquentes apparitions, présentées sous un jour positif, quant les hommes, quel que soit leur âge, reçoivent un traitement plus moqueur. D'autres thèmes de prédilection semblent refléter des désirs fondamentaux que Vivian elle-même paraît incapable d'assouvir : l'amitié, l'amour maternel, l'intimité, voire quelques détours vers des sujets classés X.

Ann Marks, Vivian Maier révélée - Enquête sur une femme libre, Delpire &Co, 2021, page 209

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